NYABIHU: Lorsqu’une crue soudaine, s’est abattue au mois de Mai 2023, sur plusieurs villages des districts Nyabihu, Rubavu, Ngororero et Karongi à l’Ouest du Rwanda, cette catastrophe naturelle a choqué non seulement les habitants locaux mais aussi les experts sur le climat dans ce pays.
Venant Ndahayo, un responsable administratif locale à Nyabihu qui a été parmi les plus affectés affirme que la période difficile est peut être passée, mais les populations ont toujours du mal à effacer les séquelles psychologiques laissées par des pluies torentielles et glissements de terrain qui ont dévasté récemment cette région montagneuse.
« Des inondations qui ont touché récemment la région étaient inhabituels et au-delà de ce que nous pouvions imaginer », explique Ndahayo qui a perdu deux membres de sa famille lors de ces catastrophes qui ont durement frappé cette zone entrainant dans l’ensemble la mort d’environ 130 personnes.
Face à l’absence des systèmes d’alerte précoce qui permettent d’anticiper plusieurs types de catastrophes naturelles touchant plus fortement les des zones rurales montagneuses isolées , le Rwanda est en train de faire recours aux nouvelles générations d’Intelligence Artificielle avec des applications innovantes pour améliorer la prévention, la préparation et la réponse à ces crises.
Science citoyenne
Dans la phase pilote lancée depuis 2021 par différents acteurs dans les domaines de la science et de la technologie ainsi que les responsables du ministère rwandais ayant de la Gestion des catastrophes dans ses attributions, les autorités administratives locales dans des zones à haut risques utilisent désormais les modèles de langage tels que ChatGPT qui leur permettent de lancer une alerte en cas d’éventuelle catastrophe.
Ce chatbot piloté par l’intelligence artificielle est utilisé via une application baptisée Line en vue de favoriser des réactions rapides et immédiates, avant, pendant et après les catastrophes naturelles, notamment.
Cette initiative pionnière lancée sous la coordination de la Commission nationale du Rwanda pour l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) avec l’expertise de la coopération japonaise mise sur l’utilisation de la science citoyenne avec l’application de l’intelligence artificielle (IA) et des technologies innovantes de l’information, de la communication (TIC) comme mesures adéquats de gestion des risques de catastrophe et de prévention.
Dominique Mvunabandi, directeur de l’unité Science, Technologie et Innovation (STI) à la Commission nationale du Rwanda pour l’UNESCO, confie dans une interview qu’une série de formations a l’intention des responsables ayant la gestion des catastrophes au niveau local dans leurs attributions, ont été animées en vue d’aider les pays comme le Rwanda à développer et à intégrer des innovations en matière d’intelligence artificielle (IA) fondées sur la science citoyenne.
« Ces actions tiennent en comptes des plans d’action existants au niveau du pays pour la réduction des risques de catastrophe », a expliqué Mvunabandi pour qui ces interventions ciblent également les écoles, les institutions d’enseignement supérieur, les communautés et d’autres partenaires dans le secteur public notamment.
Les récentes estimations officielles montrent que des catastrophes naturelles et géologiques d’une ampleur inattendue se sont produites dans plusieurs parties en Afrique de l’Est avec notamment des inondations au Kenya et au Rwanda, la sécheresse dans la Corne de l’Afrique, le tremblement de terre de magnitude 5,9 qui a frappé le nord-ouest de la Tanzanie dont les effets se font encore sentir dans la région.
La plupart des membres de la communauté locales des zones affectées au Rwanda comme Ndahayo affirment n’avoir jamais vu des catastrophes d’une telle ampleur que celles ayant frappé récemment cette région montagneuse de l’Ouest du Rwanda.
Aux yeux des officiels rwandais, l’une des meilleures façons pour renforcer les interventions dans la lutte focalise sur la combination de la science citoyenne et les technologies modernes, ce qui permettrait de combler la distance, dans le temps et dans l’espace, entre les citoyens et les instances de prises de décision tant au niveau de l’administration centrale que locale.
« Les progrès technologiques et l’innovation ont créé de nouvelles possibilités d’améliorer la résilience aux catastrophes et la réduction des risques », affirme le responsable de la commission du Rwanda pour l’UNESCO qui a coordonné plusieurs séries de formation sur l’intelligence artificielle à Kigali. Au total 150 participants dont notamment les responsables charge de la gestion des catastrophes dans tous les 30 districts du pays ont été initiés sur l’usage de ChatGPT dans le cadre d’opérations de lanceurs d’alerte des catastrophes naturelles.
Des systèmes rapides d’alerte de catastrophe
ChatGPT, ou Generative Pre-trained Transformer, est un grand modèle de langage (LLM) qui foncstionne sur base d’un générateur de texte à l’apparence humaine qui se poursuit à partir du texte qui lui est fourni.
Des outils basés sur ce modèle aident aujourd’hui les acteurs ayant la gestion des catastrophes dans leurs attributions à générer de nouvelles idées, des scénarios ou des concepts en proposant des suggestions ou des alternatives créatives que les utilisateurs dont les autorités administratives locales peuvent utiliser pour lance une alerte en cas d’une éventuelle catastrophe
Alors que tous les acteurs dans la gestion de catastrophes insistent sur la nécessité de mettre en place systèmes d’alerte rapide par recours à la technologie de ChatGPT, Mvunabandi reste persuadé que même si les risques naturels ne peuvent être évités complètement, leur impact pourrait être réduit si la capacité de récupération des collectivités était renforcée par recours à l’intelligence artificielle.
Les systèmes d’alerte rapide ont été reconnus comme un outil efficace pour réduire la vulnérabilité des populations et améliorer la préparation ainsi que la réaction aux risques naturels conformément au cadre global d’action de Sendai et faire recours aux innovations en matière de technologies de l’information et des communications pour améliorer les outils de mesure ainsi que la collecte, l’analyse et la diffusion des données.
Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 a été adopté à la troisième Conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe lors de la troisième Conférence mondiale de l’ONU tenue à Sendai au Japon en 2015.
Une étude conjointe menée par la Commission Nationale du Rwanda pour l’UNESCO et d’autres partenaires, a montré que les progrès de l’intelligence artificielle (IA), du Big Data qui désigne une série de données complexes, provenant essentiellement de nouvelles sources ainsi que les innovations dans des domaines tels que la robotique et la technologie des drones transforment de nombreux domaines, notamment la réduction et la gestion des risques de catastrophe.
Des données spatiales fiables en temps réel
Dans la plupart des pays en Afrique de l’Est notamment, l’étude déplore que ces innovations technologiques restent moins utilisées, entravant par conséquent les efforts de développement et de mise en œuvre de solutions durables de réduction des risques de catastrophe (RRC) et de prévention.
Pour une réponse rapide et efficace, ainsi que pour la reprise après une catastrophe naturelle ou artificielle, l’un des éléments les plus importants est de disposer de données spatiales précises et fiables en temps réel ou quasi réel.
Roger Mizero, Responsable du numérique au sein du ministère rwandais ayant la Gestion des catastrophes dans ses attributions affirme que pour les instances concernées puissent prendre des mesures précoces avant qu’une catastrophe ne frappe, l’un des éléments les plus importants est de disposer de données spatiales précises et fiables en temps réel ou quasi réel.
« Les modèles de langage tels que ChatGPT permettent de générer d’énormes quantités de données par la science citoyenne qui sont par la suite interprétées pour mieux guider des interventions dans la lutte ou la gestion des catastrophes », affirme-t-il.
Si le champ d’application de la réduction des risques de catastrophe a été élargi pour inclure à la fois les aléas naturels et ceux liés à l’activité humaine, ainsi que les risques et aléas environnementaux, les acteurs dans ce secteur au Rwanda soulignent la nécessité de pouvoir localiser l’emplacement ainsi que de suivre et d’analyser les menaces passives et actives pour parvenir à une série de mesures appropriées dans la prévention.
Les données officielles montrent que les catastrophes naturelle au Rwanda sont caractérisées notamment par des inondations localisées, des glissements de terrain, des sécheresses et des tremblements de terre dans la province de l’Ouest notamment en raison de sa situation dans la vallée du Rift est-africain. Le pays connaît également des catastrophes résultant d’épidémies, d’accidents de la route et d’incendies, selon la même source.
L’une des meilleures options proposées en vue de renforcer les interventions au Rwanda consiste désormais à combiner la science citoyenne et les technologies modernes, ce qui aiderait à combler la distance, dans le temps et dans l’espace, entre les citoyens et les autorités administratives juste après les catastrophes naturelles.
« Cette utilisation de la technologie de l’IA pourrait aider les premiers intervenants à atteindre les victimes plus rapidement et même à sauver davantage de vies », a déclaré le responsable de la Commission nationale de l’UNESCO au Rwanda qui travaille actuellement en étroite collaboration avec les instances gouvernementales et d’autres acteurs dans divers domaines de la recherche en vue de pérenniser cette initiative.
A Nyabihu, l’un des districts régulièrement frappé par les catastrophes naturelles à l’Ouest du Rwanda, la plupart des membres de la communauté locale affirment que l’espoir est permis avec le développement de l’intelligence artificielle dans la lutte et la gestion à condition que les efforts déjà entrepris soient maintenus et intensifiés.
Des modelés rapides pour interpréter des données
Certains experts dans le domaine du changement climatique reconnaissent l’importance de cette technologie pour développer des modelés capable d’interpréter des données recueillies, étendant encore plus le champ d’applications.
Mathieu Mbati, Ingénieur Chef Prévisionniste à l’Agence rwandaise de la Météorologie affirme qu’au-delà de la science citoyenne, il y a lieu de recourir à d’informations météorologiques ainsi qu’à l’ensemble de données collectées si gigantesques et complexes issues des satellites, des stations météorologiques et des radars. « L’intelligence artificielle revêt une importance capitale car elle peut contribuer à faire des prévisions à court terme plus précises, notamment pour les tempêtes et les inondations critiques », affirme-t-il.
Chaque année, durant les deux saisons des pluies, de grandes étendues de terre dans plusieurs localités des régions montagneuses au nord et à l’ouest du Rwanda sont détruites par des catastrophes climatiques.
* Ce reportage a été réalisé avec la subvention de la Bourse d’enquête octroyée par le Réseau des Journalistes Scientifiques d’Afrique Francophone (RJSAF)